à onze, j'arrête.
Onze enfants? Onze heures?
non,
le 11 du 11 j'arrêterai de dire mon âge. je vais avoir 47 ans. c'est
tout jeune dans la vie des autres, et c'est catastrophique dans la
mienne.
47 ans et j'ai pas encore publié le livre qui aurait fait de moi une star de la littérature. Ce que je me vois bien engueuler l'autre, à Tout le monde ne parle en Francâis, qui n'aime pas les québécois et leur accents. Ce que je me vois bien à Tout le monde en parle du Québec, surtout si Tout le monde en parle en bien de mes histoires.
47 ans, et de la misère à boucler mon budget. Des dettes pour qui veut en prendre, j'en ai pour tout le monde. À cet âge vénérable, ma mère avait plein d'économies pour ses vieux jours, nos études et les oeuvres de charité. Moi, j'ai pas d'économies, justes des vieux jours, pas un sous pour les études de mes enfants (remarque que pour le moment, pas un de veut étudier) et deux sous de la veuve (bon, divorcée) pour l'obole.
47 ans et j'ai toujours pas une silhouette de jeune fille. je l'ai d'ailleurs jamais eue, enfin, celle qui j'étais supposée avoir. Ce qui fait que j'ai un sacré retard sur l'échéancier et sur l'estime de moi.
47 ans, le pire, c'est que j'ai une prothèse dentaire. C'est le dernier tabou de nos sociétés. Je comprends pourquoi on est si morose, quand on sourit, on est mieux d'avoir un sourire américain impeccable, il y va de notre réputation. Voilà pourquoi la majorité est silencieuse et font la lippe.
Sauf les dentistes, qui eux, à 47 ans, ont des économies, des dents et plein de clients.
Tiens, ça me fait un beau prétexte pour ne pas vouloir écrire mon livre,
je serais obligée d'aller à tout le monde en parle et de montrer mes dents et mon dentier (joke) au monde entier.